
Contrairement à l’idée reçue, votre rôle n’est pas d’arrêter les disputes, mais d’apprendre à vos enfants à les gérer pour en faire une compétence de vie.
- Avant toute discussion, la priorité est de calmer le « cerveau en feu » pour permettre une négociation rationnelle.
- Chaque plainte (« c’est pas juste ! ») cache un besoin non satisfait (équité, reconnaissance) qu’il faut apprendre à identifier.
Recommandation : Adoptez une posture de coach plutôt que d’arbitre en guidant vos enfants à trouver eux-mêmes une solution « gagnant-gagnant », transformant le conflit en un puissant exercice d’apprentissage.
Les cris résonnent depuis la chambre des enfants. Un jouet cassé, une injustice proclamée, et vous voilà de nouveau propulsé dans votre rôle d’arbitre familial. Ce sentiment d’épuisement, à force de trancher, punir ou séparer les belligérants, est une expérience quasi universelle pour les parents. L’approche habituelle consiste à éteindre l’incendie le plus vite possible, en imposant une solution ou en renvoyant chacun dans son coin. On cherche à restaurer le calme, mais on manque une opportunité précieuse. Le réflexe est de gérer le symptôme – la dispute – sans jamais traiter la cause profonde : le manque de compétences pour la résoudre.
Et si la véritable clé n’était pas de devenir un meilleur juge, mais de se transformer en coach ? Si, au lieu de chercher à éliminer les conflits, nous les utilisions comme un « laboratoire émotionnel » sécurisé pour enseigner à nos enfants l’une des compétences les plus fondamentales de leur vie future : la négociation, l’empathie et la résolution de problèmes. Cet article propose une rupture avec le modèle de l’arbitrage. Nous n’allons pas vous donner des astuces pour « gagner » contre vos enfants ou pour imposer la paix, mais une méthode structurée, inspirée de la médiation professionnelle, pour devenir un architecte de la paix au sein de votre foyer. L’objectif est de rendre vos enfants autonomes dans la gestion de leurs désaccords, en transformant chaque dispute en une leçon constructive.
Ce guide est conçu pour vous accompagner pas à pas dans cette transformation. Nous explorerons ensemble comment désamorcer les crises, décoder les besoins cachés derrière la colère et instaurer une culture de coopération durable au sein de votre famille. Préparez-vous à changer de perspective et à outiller vos enfants pour la vie.
Sommaire : Apprendre à gérer les disputes en famille, la méthode complète
- La méthode « gagnant-gagnant » pour les disputes entre enfants (que vous pouvez leur apprendre)
- Ne négociez jamais avec un « cerveau en feu » : l’étape numéro 1 avant de résoudre un conflit
- Derrière chaque « c’est pas juste ! », il y a un besoin : apprenez à vos enfants à le trouver
- Votre famille est-elle en mode « compétition » ou « coopération » ? Le diagnostic de vos disputes
- Vos enfants vous regardent : comment vos disputes de couple leur apprennent (ou non) à gérer les conflits
- Apprenez à vos enfants à se disputer : pourquoi le conflit bien géré est une compétence vitale
- Quand vos désirs sont incompatibles : la technique de négociation pour trouver une troisième voie sans sacrifice
- Arrêtez de débattre, commencez à connecter : l’initiation à la Communication Non-Violente pour les nuls
La méthode « gagnant-gagnant » pour les disputes entre enfants (que vous pouvez leur apprendre)
L’objectif ultime n’est pas de trouver un coupable, mais de construire une solution où personne ne se sent lésé. La méthode de résolution de conflit sans perdant, popularisée par le psychologue Thomas Gordon, est un outil puissant que vous pouvez enseigner. Elle transforme les enfants de simples adversaires en partenaires de résolution de problèmes. Le principe est simple : plutôt que de vous imposer, vous guidez les enfants à travers un processus structuré pour qu’ils élaborent eux-mêmes une issue mutuellement acceptable. C’est la fin du « c’est moi qui ai gagné » et le début du « nous avons trouvé une solution ».
Cette approche collaborative est au cœur de la médiation familiale moderne. En France, les résultats sont probants : une analyse de la Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF) montre que pour les 43 000 personnes ayant bénéficié d’une médiation, celle-ci a contribué à l’apaisement du conflit dans 75% des cas. Cela démontre que lorsque les parties sont impliquées dans la recherche de solution, l’accord est plus solide et la relation préservée. Pour appliquer ce principe, voici le processus en six étapes à suivre avec vos enfants.

Ce processus, bien que simple en apparence, demande de la pratique. Votre rôle est de rester un facilitateur neutre, un gardien du processus qui s’assure que chaque étape est respectée et que chaque enfant a la place de s’exprimer. Voici les étapes clés :
- Étape 1 : Définir le problème ensemble sans jugement. Il ne s’agit pas de savoir « qui a commencé », mais de définir le problème en termes de besoins : « Le problème, c’est que l’un a besoin de calme pour dessiner et l’autre a besoin de place pour jouer ».
- Étape 2 : Réfléchir ensemble à toutes les solutions possibles (brainstorming). À ce stade, aucune idée n’est mauvaise, même la plus farfelue. L’objectif est de générer un maximum d’options.
- Étape 3 : Évaluer les solutions. Chaque enfant exprime ce qu’il pense de chaque solution proposée. Celles qui ne conviennent à personne sont éliminées.
- Étape 4 : Choisir la solution la plus acceptable pour tous. C’est l’étape de la négociation finale pour trouver le meilleur compromis possible.
- Étape 5 : Mettre en œuvre la solution choisie. Définir qui fait quoi et quand.
- Étape 6 : Évaluer les résultats. Après un certain temps, faire le point : « Alors, notre solution, est-ce qu’elle fonctionne bien ? ». Si non, on peut ajuster.
En adoptant cette posture d’architecte de la paix, vous ne réglez pas seulement une dispute ponctuelle ; vous investissez dans l’intelligence émotionnelle et sociale de vos enfants pour le reste de leur vie.
Ne négociez jamais avec un « cerveau en feu » : l’étape numéro 1 avant de résoudre un conflit
Tenter de raisonner un enfant en pleine crise de colère, c’est comme essayer d’éteindre un feu avec de l’essence. Lorsque les émotions fortes comme la colère ou la frustration prennent le dessus, le cerveau rationnel (le cortex préfrontal) se déconnecte au profit du cerveau reptilien, axé sur la survie : combattre, fuir ou se figer. C’est ce que l’on appelle le « cerveau en feu ». À ce moment-là, toute tentative de négociation, de discussion logique ou d’application de la méthode gagnant-gagnant est vouée à l’échec. La priorité absolue, avant même d’essayer de comprendre le problème, est de permettre à chacun de revenir au calme.
Avant de réagir, respirez. Prenez 3 secondes. Un conflit est souvent alimenté par notre propre stress. En vous accordant une pause, vous régulez votre charge émotionnelle et reprenez le pouvoir sur votre ton et vos mots.
– Paule-Mathieu N., experte en parentalité, 10 stratégies concrètes pour résoudre les conflits familiaux
Cette pause est valable pour vous, mais aussi et surtout pour vos enfants. L’enjeu est de taille : des études montrent que les enfants exposés à des conflits parentaux intenses et non résolus ont 21% plus de risques de développer des difficultés scolaires. Apprendre à réguler l’émotion est donc la première brique de la résolution de conflit. Cela passe par la création d’un environnement propice à l’apaisement, loin de la traditionnelle punition du « coin ».
Étude de Cas : L’Espace Cocoon, une alternative française au « time-out » punitif
Le cabinet français Clepsy propose une approche innovante : remplacer le « coin » punitif par un « Espace Cocoon » ou « coin de retour au calme ». L’idée est de déconnecter ce temps de pause de toute notion de punition. Cet espace, co-créé avec l’enfant, devient un refuge volontaire où il peut aller pour se réguler. Il est équipé d’outils adaptés : livres de sophrologie pour enfants, roue des émotions, musique douce, objets sensoriels… L’approche, testée auprès de familles en France, montre une réduction de 40% des escalades conflictuelles lorsque l’enfant utilise cet espace dès les premiers signes de tension. La clé est de présenter cet espace non pas comme une sanction (« Va au coin ! ») mais comme une ressource (« Sens-tu que tu as besoin d’un moment dans ton Espace Cocoon pour te calmer ? »).
Le rôle du parent est de reconnaître l’émotion sans la juger (« Je vois que tu es très en colère ») et de valider le besoin de s’apaiser. Ce n’est qu’une fois que les tensions sont retombées, que les respirations sont plus lentes et que le contact visuel est à nouveau possible, que l’on peut passer à la phase de discussion et de résolution de problème. Ignorer cette étape, c’est construire sur des sables mouvants.
Enseigner à son enfant à reconnaître les signes de son propre « cerveau en feu » et à utiliser des stratégies pour l’apaiser est une compétence inestimable qui lui servira bien au-delà des disputes familiales.
Derrière chaque « c’est pas juste ! », il y a un besoin : apprenez à vos enfants à le trouver
Une fois les esprits calmés, la phase d’investigation commence. Et le piège le plus courant est de rester à la surface du problème, en se focalisant sur les faits et les reproches : « Il a pris mon jouet », « Elle a effacé mon dessin ». Or, ces plaintes ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Comme l’enseigne la Communication Non-Violente, derrière chaque reproche, chaque jugement ou chaque exigence se cache un besoin fondamental non satisfait : besoin de reconnaissance, d’équité, de sécurité, d’espace, de partage…
Votre mission, en tant que parent-coach, est d’aider vos enfants à devenir des « détectives des besoins ». Il s’agit de les guider pour qu’ils apprennent à traduire leur frustration en un langage de besoins. Un « C’est pas juste ! » n’est pas une simple contestation, c’est souvent un cri pour le besoin d’équité. Un « Il m’énerve ! » peut cacher un besoin d’espace personnel. Apprendre à décoder ces messages est la clé pour trouver des solutions qui répondent au vrai problème, et non à ses symptômes.
Pour vous aider dans ce rôle de traducteur, voici un tableau qui peut servir de guide pour comprendre ce qui se joue réellement derrière les plaintes les plus courantes de vos enfants.
| Plainte de l’enfant | Besoin sous-jacent | Réponse adaptée du parent |
|---|---|---|
| C’est pas juste ! | Besoin d’équité et de reconnaissance | Je comprends que tu trouves ça injuste, explique-moi ce qui te dérange |
| Il m’énerve ! | Besoin d’espace personnel ou d’autonomie | Tu as besoin qu’on respecte ton espace ? Voyons comment s’organiser |
| C’est toujours moi qui… | Besoin de contribution équitable | Tu aimerais qu’on partage les tâches différemment ? |
| C’est nul ! | Besoin de stimulation ou de choix | Qu’est-ce qui te plairait davantage ? |
Aider un enfant à identifier et nommer son besoin est incroyablement puissant. Cela valide son ressenti et dépersonnalise le conflit. Le problème n’est plus « mon frère est méchant », mais « j’ai un besoin de tranquillité qui n’est pas respecté ». Cette nuance change tout et ouvre la porte à la recherche de solutions créatives. Pour mener cette investigation, vous pouvez vous appuyer sur une série de questions ouvertes.
Votre plan d’action : le jeu du détective des besoins
- Observer les faits : Posez la question « Qu’est-ce qui s’est passé exactement ? » pour collecter les informations brutes, sans jugement ni interprétation.
- Identifier l’émotion : Demandez « Comment tu te sens maintenant ? » pour aider l’enfant à nommer son émotion (colère, tristesse, frustration).
- Explorer le besoin : Utilisez la question magique « De quoi aurais-tu besoin pour te sentir mieux ? » pour faire le pont entre l’émotion et le besoin sous-jacent.
- Clarifier l’attente : Interrogez sur « Qu’est-ce qui serait juste pour toi ? » pour comprendre sa vision d’une réparation ou d’une solution.
- Chercher des solutions communes : Ouvrez la discussion avec « Comment pourrait-on faire pour que chacun soit satisfait ? » pour lancer la phase de brainstorming.
En pratiquant ce « jeu du détective », vous ne faites pas que résoudre une dispute. Vous donnez à vos enfants un vocabulaire émotionnel et une grille de lecture des relations humaines qui leur seront utiles toute leur vie.
Votre famille est-elle en mode « compétition » ou « coopération » ? Le diagnostic de vos disputes
Les disputes récurrentes ne sont parfois que le symptôme d’une dynamique familiale plus globale. Prenez un instant pour analyser l’ambiance générale de votre foyer : les interactions sont-elles plus souvent basées sur la compétition ou la coopération ? Dans une famille « compétitive », les comparaisons sont fréquentes (« Regarde ton frère, lui, il a fini ses devoirs »), les ressources (temps parental, approbation, privilèges) sont perçues comme limitées et doivent être gagnées. Cette culture crée un terrain fertile pour la jalousie et les conflits, car la réussite de l’un est implicitement perçue comme l’échec de l’autre.
Ce climat peut être inconsciemment renforcé par des pressions extérieures, comme le système scolaire. En France, la pression pour la réussite est palpable ; savoir que 85% des élèves de troisième obtiennent leur brevet peut instiller chez les parents une anxiété de performance qui se répercute à la maison. Une étude a montré que cette pression se retrouve dans 6 familles sur 10, favorisant les comparaisons et la rivalité au sein de la fratrie. À l’inverse, une culture de « coopération » valorise l’effort de chacun, célèbre les succès collectifs et considère les membres de la famille comme une équipe face aux défis extérieurs.

Changer cette dynamique de fond est un travail de longue haleine mais essentiel. Il s’agit de remplacer les réflexes compétitifs par des rituels coopératifs. Cela peut être aussi simple que d’instaurer des jeux de société coopératifs (où tous les joueurs gagnent ou perdent ensemble contre le jeu) ou de lancer des « projets familiaux » où chaque membre a un rôle à jouer pour atteindre un but commun (organiser un week-end, construire une cabane, préparer un grand repas).
Étude de Cas : La transformation d’une dynamique familiale compétitive
Le cabinet de psychologie français KB-Psy a accompagné une famille où les conflits quotidiens étaient alimentés par la comparaison constante entre les enfants (« Ta sœur a eu une meilleure note que toi »). La stratégie a reposé sur deux axes : d’abord, valoriser l’effort individuel plutôt que le résultat final, en remplaçant les phrases de comparaison par des encouragements personnalisés. Ensuite, créer des défis où la famille faisait équipe contre un objectif extérieur. Après six mois de cet accompagnement, la famille a rapporté une diminution de 70% des conflits. La clé du succès a été de rediriger l’énergie compétitive de « l’un contre l’autre » vers « nous ensemble contre un défi ».
Le but n’est pas d’éliminer toute forme de compétition saine, mais de s’assurer que la fondation de la vie familiale repose sur l’entraide et le soutien mutuel, faisant de votre famille une véritable équipe.
Vos enfants vous regardent : comment vos disputes de couple leur apprennent (ou non) à gérer les conflits
Les enfants sont des éponges émotionnelles et des imitateurs hors pair. La manière dont vous, en tant que couple, gérez vos propres désaccords est sans doute la leçon la plus puissante que vous leur transmettrez sur la résolution de conflit. Ils observent tout : le ton qui monte, les portes qui claquent, les silences pesants ou, au contraire, les discussions respectueuses et les réconciliations. Vos disputes sont leur premier manuel de formation à la gestion des relations humaines. Si vous criez, ils apprendront que crier est une façon de se faire entendre. Si vous pratiquez le mutisme, ils apprendront que bouder est une stratégie de négociation.
Tout conflit est l’expression tragique d’un besoin insatisfait.
– Marshall B. Rosenberg, Dénouer les conflits par la Communication Non Violente
Cette citation s’applique autant aux enfants qu’aux adultes. Un conflit parental intense et mal géré crée un climat d’insécurité émotionnelle. Un rapport de 2024 de France Stratégie souligne que le manque de supervision et de contrôle parental, souvent une conséquence de situations familiales tendues, augmente de 34% les difficultés relationnelles chez les jeunes. Modéliser une gestion de conflit saine n’est donc pas une option, c’est une responsabilité. Cela ne signifie pas ne jamais se disputer devant eux, mais plutôt leur montrer qu’un désaccord peut être résolu de manière constructive.
L’un des aspects les plus importants est le « après ». La manière dont vous vous réconciliez est fondamentale. Voir ses parents se retrouver, s’excuser et se montrer de l’affection après une tension est extrêmement rassurant pour un enfant. Cela lui enseigne que le conflit ne détruit pas l’amour et que la réparation est possible. Instaurer un rituel de réparation visible peut être un modèle puissant.
- S’excuser ensemble devant l’enfant : « Papa et moi sommes désolés de nous être énervés tout à l’heure. »
- Rassurer sur la solidité du lien : « Tu sais, même quand on n’est pas d’accord, on s’aime toujours très fort. »
- Expliquer la résolution (sans les détails) : « On a discuté et on a trouvé une solution qui nous convient à tous les deux. »
- Montrer la réconciliation : Un geste d’affection visible (un câlin, une main sur l’épaule) est plus parlant que mille mots.
- Ouvrir la parole à l’enfant : « Et toi, comment t’es-tu senti quand on s’est disputés ? » pour valider ses propres émotions.
Se disputer n’est pas un échec. L’échec est de ne rien en faire. En montrant l’exemple d’une confrontation respectueuse et d’une réconciliation sincère, vous offrez à vos enfants le plus beau des cadeaux : la confiance dans la solidité des liens et les compétences pour en prendre soin.
Apprenez à vos enfants à se disputer : pourquoi le conflit bien géré est une compétence vitale
L’idée peut paraître contre-intuitive, mais l’un des objectifs de l’éducation à la paix est d’apprendre à nos enfants… à bien se disputer. Vouloir éradiquer tous les conflits est non seulement irréaliste, mais aussi contre-productif. Un conflit n’est rien d’autre qu’une divergence d’opinions, de désirs ou de besoins. La vie en société, à l’école, au travail ou en amitié, est par nature remplie de ces divergences. Un enfant qui n’a jamais appris à naviguer un désaccord, à défendre son point de vue respectueusement, à écouter celui de l’autre et à chercher un compromis, sera un adulte démuni.
La compétence de conflit est donc une compétence psychosociale fondamentale. La maîtriser, ce n’est pas chercher l’affrontement, mais ne pas le craindre. C’est savoir transformer une opposition potentiellement destructrice en une conversation constructive. Cette compétence est si cruciale qu’elle est désormais enseignée dans certaines écoles françaises, notamment à travers des programmes de lutte contre le harcèlement scolaire, pour désamorcer les tensions avant qu’elles ne s’enveniment.
Étude de Cas : La médiation par les pairs dans les écoles françaises
Dans le cadre du programme national pHARe de lutte contre le harcèlement, des initiatives de médiation par les pairs voient le jour. Le principe : former des élèves volontaires à devenir médiateurs pour leurs camarades. Ils apprennent l’écoute active, la reformulation sans jugement et la recherche de solutions gagnant-gagnant. Une école pilote en région parisienne a mis en place ce programme et rapporte des résultats spectaculaires : après seulement un an, les incidents conflictuels nécessitant l’intervention d’un adulte ont chuté de 60%. Les élèves règlent eux-mêmes une grande partie de leurs désaccords dans la cour de récréation, prouvant que la résolution de conflit est une compétence qui s’acquiert et se pratique.
Votre foyer est le premier et le plus important terrain d’entraînement. Chaque dispute pour une télécommande ou un tour de balançoire est une micro-opportunité d’exercer ce « muscle » de la négociation. En appliquant les méthodes vues précédemment (calmer le cerveau en feu, identifier les besoins, chercher une solution gagnant-gagnant), vous ne faites pas que gérer une crise : vous organisez un véritable atelier de compétences de vie. Vous préparez vos enfants à devenir des citoyens capables de dialogue et de collaboration.
Le but n’est donc pas le silence, mais le dialogue ; pas l’évitement, mais l’engagement respectueux. En apprenant à vos enfants à bien se disputer, vous leur donnez les clés pour construire des relations saines et solides tout au long de leur vie.
Quand vos désirs sont incompatibles : la technique de négociation pour trouver une troisième voie sans sacrifice
Parfois, les conflits semblent insolubles. Les positions sont si éloignées qu’aucun compromis ne paraît possible sans qu’une personne ne se sacrifie. Parent contre ado sur l’heure de rentrée, un enfant qui veut du calme contre un autre qui veut écouter de la musique… C’est le classique « je veux A » contre « je veux B ». Dans ces situations, le réflexe est de chercher un compromis au milieu (A+B)/2, qui souvent ne satisfait personne. La négociation raisonnée, issue des travaux de Harvard, propose une approche plus créative : chercher une troisième voie.
L’idée est de passer des positions (ce que je dis vouloir) aux intérêts ou besoins (pourquoi je le veux). Une position est rigide, un besoin est plus flexible. Si l’un veut partir en vacances à la mer (position) et l’autre à la montagne (position), le conflit semble total. Mais si l’on creuse, on découvre que le premier a besoin de repos et de baignade, tandis que le second a besoin d’aventure et de randonnée. En se concentrant sur ces besoins, de nouvelles options apparaissent : un lac de montagne avec une plage, une région côtière avec des sentiers de randonnée escarpés… C’est la fameuse troisième voie.
Une méthode simple pour guider cette recherche en famille est la méthode P.O.N.T., facile à mémoriser pour tous. Elle est d’ailleurs mise en avant par des organismes comme la CAF pour apaiser les conflits familiaux.
- P – Positions : Identifier clairement ce que chacun demande. (« Je veux sortir jusqu’à minuit » vs « Tu dois rentrer à 22h »).
- O – Objectifs (Besoins) : Explorer pourquoi chacun veut cela. (Besoin d’autonomie et d’intégration sociale vs Besoin de sécurité et de sommeil).
- N – Nouvelles options : Brainstormer ensemble toutes les alternatives qui pourraient satisfaire les deux ensembles de besoins.
- T – Terrain d’entente : Choisir ensemble la solution qui satisfait au mieux les objectifs profonds de chacun, même si elle est différente des positions de départ.
Cette approche est particulièrement efficace dans les conflits récurrents entre parents et adolescents, où les positions de chacun sont souvent des étendards d’indépendance ou d’autorité. Le tableau suivant illustre comment cette recherche d’une troisième voie peut débloquer des situations classiques.
| Position Parent | Position Ado | Besoins cachés | 3ème voie possible |
|---|---|---|---|
| Rentre à 22h | Rentre à minuit | Sécurité vs Autonomie | Rentrer à 23h avec un SMS envoyé à chaque changement de lieu |
| Pas de sortie cette semaine | Sortir tous les soirs | Repos familial vs Vie sociale | Deux soirs de sortie fixes en semaine + un week-end sur deux libre |
| Téléphone confisqué | Téléphone en accès libre | Concentration (devoirs) vs Connexion (amis) | « Boîte à téléphone » où il est déposé pendant les devoirs et la nuit |
En maîtrisant cette approche, vous enseignez à vos enfants que dans une négociation, le but n’est pas de couper la poire en deux, mais d’aller chercher une poire plus grosse et meilleure pour tout le monde.
À retenir
- La priorité absolue avant toute discussion est la régulation émotionnelle ; on ne négocie jamais avec un « cerveau en feu ».
- Transformez-vous en « détective des besoins » : derrière chaque plainte ou reproche se cache un besoin fondamental (équité, espace, reconnaissance) à identifier.
- Soyez le modèle : la manière dont vous gérez vos propres désaccords de couple est la leçon la plus puissante que vos enfants recevront sur la résolution de conflit.
Arrêtez de débattre, commencez à connecter : l’initiation à la Communication Non-Violente pour les nuls
Au cœur de toutes les stratégies que nous avons vues se trouve un principe fondamental : pour résoudre un conflit, il faut d’abord cesser de se battre et commencer par se connecter. Le débat, où chacun défend sa position et cherche à prouver que l’autre a tort, ne mène qu’à des gagnants et des perdants. La connexion, elle, vise à comprendre le monde de l’autre pour trouver un chemin commun. La Communication Non-Violente (CNV), développée par Marshall Rosenberg, est la grammaire de cette connexion. C’est une méthode simple et structurée pour exprimer ce qui se passe en nous et écouter ce qui se passe chez l’autre, sans jugement ni agression.

Le but de la CNV n’est pas la gentillesse à tout prix. Il s’agit d’une communication authentique et efficace, qui permet de préserver la relation tout en affirmant ses propres besoins. Comme le disait son fondateur, l’objectif n’est pas de manipuler les autres pour obtenir ce que l’on veut, mais de créer des relations si solides et empathiques que les besoins de chacun finissent par être naturellement satisfaits. En famille, cela signifie remplacer les reproches (« Tu es encore en retard ! ») par une expression sincère de ce qui se passe en nous.
La méthode repose sur une structure en quatre étapes, connue sous l’acronyme OSBD (Observation, Sentiment, Besoin, Demande). C’est un guide pour formuler nos messages d’une manière qui maximise les chances d’être entendu et de susciter la coopération plutôt que la résistance.
- Observation (O) : Décrire les faits concrets, sans jugement ni interprétation. « Je vois que les chaussures sont au milieu de l’entrée » au lieu de « Tu laisses toujours tout traîner ».
- Sentiment (S) : Exprimer l’émotion que cette observation génère en nous, en utilisant le « je ». « Je me sens agacé(e) » au lieu de « Tu m’énerves ».
- Besoin (B) : Relier ce sentiment à notre besoin profond non satisfait. « car j’ai besoin d’ordre et d’espace pour me sentir serein(e) dans la maison. »
- Demande (D) : Formuler une demande concrète, positive et négociable. « Serais-tu d’accord pour ranger tes chaussures dans le placard en rentrant de l’école ? » C’est une vraie question, l’autre a le droit de dire non, ce qui ouvre alors une négociation.
Pratiquer la CNV en famille transforme radicalement la communication. Elle demande de la pratique et peut sembler peu naturelle au début, mais elle constitue la compétence ultime de l’architecte de la paix. C’est l’outil qui permet de mettre en musique tous les principes de la résolution de conflit constructive.
Commencer dès aujourd’hui à intégrer ne serait-ce qu’une de ces étapes dans vos interactions quotidiennes est le premier pas pour transformer votre foyer d’une arène de disputes en un atelier de coopération et de respect mutuel.